12 nov. 2012

633 – Gestion des documents et gestion de l’information : un conflit de générations


Les temps changent. Les mentalités évoluent.

J’ai fait les premiers pas dans mon métier il y a plus de trente-sept ans. À partir d’un univers 100% papier, j’ai vu apparaître – et disparaître – une panoplie de technologies, d’abord rudimentaires et de plus en plus sophistiquées. À un moment donné, au milieu des années 90, j’me suis senti dépassé par l’avancée spectaculaire des outils issus du domaine des TI. Professionnellement parlant, je n’étais pas préparé pour affronter un tel tsunami. J’avoue avoir paniqué.

Au Québec, pour des raisons circonstancielles – malheureusement, parce que c’est vraiment ce que je pense encore aujourd’hui –  un modèle s’imposé au début des années 80. Celui de l’Archivistique dite moderne. Un paradigme qui, pour des intérêts stratégiques de préservation des documents à valeur historique, faisait, et fait encore aujourd’hui, la promotion de la gestion des documents. Et ce, avec un objectif ultime souvent avoué : l’identification et la préservation des documents de conservation permanente par l’établissement de calendriers de conservation qualifiés de pivots de l’archivistique. Avec toute la logique langagière et conceptuelle qui en découle : les dénominations (archivistique, archiviste, pré-archivage, archivage, association d’archivistes…), le rattachement de la majorité des programmes de formation universitaire à des départements d’histoire…

Je me rappellerai toujours où lors d’une assemblée publique j’ai osé affirmer publiquement que l’objectif de la gestion des documents n’était pas de constituer des fonds d’archives historiques, mais de répondre à des besoins de management. J’ai été banni à vie d’une certaine université.

Parallèlement et presque en catimini, le milieu des TI a fait petit à petit son nid dans les organisations. Cette nouvelle génération d’intervenants m’a toujours séduit bien que je m’y perdais et que je me perds encore dans certains aspects de nature technologique. À les écouter et à force d’expérimenter, je suis de plus en plus sensibilisé à aborder la question sous un autre angle. Les spécialistes des technologies se font, dans leurs organisations, les promoteurs du concept de gestion de l’information.
À première vue, un actif organisationnel plus intangible que les documents. Mais quand on y pense bien, les moyens ont changé et leur puissance ne justifient-ils pas qu’on se remette en question du tout au tout? Doit-on vraiment contester la primauté accordée à l’exploitation et au partage efficace et efficient des contenus, sans distinction de leurs valeurs (administrative, stratégique, financière, juridique, informative, historique…) La croissance exponentielle des capacités de stockage, la puissance des solutions technologiques et leurs coûts inversement proportionnels se traduisent par des principes sous-jacents : inutilité des structures classificatoires et des règles de gestion du cycle de vie. L’important est de trouver l’information recherchée au moyen d’outils qui permet de l’isoler dans un vaste ensemble, d’être en mesure de l’utiliser, de la partager, de la diffuser. Un modèle qui frappe de plein fouet la génération archivistique qui s’accroche coûte que coûte à une théorie de plus en plus réfutable.

On peut se déclarer d’une génération ou de l’autre. Cette réalité me perturbe dans mon action professionnelle. Mais contrairement à il y a vingt ans, je ne suis pas en état de panique; je suis plutôt en réflexion. À la lecture des échanges sur les réseaux sociaux et des billets publiés sur certains sites Web. Il faut prendre position pour l’avenir. Pour l’avenir du métier et pour celui des cohortes de futurs professionnels du ou des métiers de la gestion de l’information. Il serait malheureux que le milieu professionnel s’entête à ne pas évoluer afin de s’intégrer dans cette nouvelle vision qui, qu’on le veuille ou non, remet en cause des pratiques d’une autre époque.

Qu’on le veuille ou non, nous faisons face actuellement à un conflit de générations. Je suis de plus en plus convaincu qu'au train où vont les choses, c’est la nouvelle génération qui risque de l’emporter.

Les temps changent. Les mentalités changent. Le ou les métiers continueront-ils longtemps à résister au changement?

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Michel Roberge

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